
Il pleut. Un peu, beaucoup, passionnément.
Tu me paraissais bougon depuis ce matin. Ou agité. Tu avais cet air sombre; cette mine molletonneuse au départ. Je t'ai vu qui te balançais, entre les rumeurs filtres du blanc et du noir, comme si tu ne savais plus. Je t'ai vu prendre ta couverture. Verser dans la lourdeur et bourrer tes espaces jusqu'à ne plus pouvoir te contenir.
La pluie abat ses accès sur la fenêtre du boudoir. C'est l'assaut. C'est une averse diluvienne qui ne durera toutefois que quelques instants. Quelques minutes magnétiques où tout aura l'air mou et malléable.
Cher novembre. C'est bon de te revoir. Le vent fouette mon visage et toutes mes ébauches laissées en plan. Le souvenir encore frais de nos balades s'agite, comme l'eau frémissante, et me donne envie de me lancer, à corps et à travers. À corps et à travers de toi; de ton spectacle, de tes manches qui m'étreignent et rosissent mes joues.
Ce parfum que tu portes. Il est piquant, salin, terreux. Il s'est emprisonné dans le drap que j'ai laissé dehors. À ta merci. Un drap plat, épinglé ce matin, que tu ballotteras, en alternance avec tes quintes de pluie, jusqu'au soir venu.
Les fleurs sont sèches, brunies, avachies, elles semblent mortes mais pourtant. J'en ai fait quelques gerbes avant qu'elles soient complètement décolorées. J'ai ficelé les tiges et je les ai suspendues à la pole du salon avant de faire halte et de les admirer. Ainsi délestées, reposent la verge d'or, l'immortelle et l'achillée millefeuille, statiques et cohérentes.
J'ai cette large écharpe Dijon. Ses mailles entourent mes épaules aussi bien que les embruns qui brouillent le verre et nappent de sel les voitures inanimées. Aussi bien que les vagues qui lèchent les anses et se débobinent aux pieds des passants.
Ton souffle s'immisce dans la maison. Il s'impose sur la porte qui réplique et fait tanguer les oiseaux; qui viendront à relais chercher les graines grasses que j'aurai laissées pour eux dans l'assiette ébréchée. Becs pointus et plumes ébouriffées. Ventres ronds et manières amusantes. Ils sont goinfres ou nerveux. Les piafs se disputent les victuailles offertes puis repartent et s'élancent au coeur d'une de tes bouffées, qu'ils attendent comme le prochain train et se retrouvent ailleurs, parachutés, le temps d'un oh! Leur petite mécanique en accord parfait avec toi.
Les nuages s'allongent ou s'étendent, j'ai envie de faire de même. Offrir mes pommettes au soleil qui décline et me laisser bercer dans le débit de tes jours. Si je devais choisir, je demeurerais assise ici. Il y a quelque chose de grisant. C'est peut-être le vent ou cette ambiance qui me laisse pensive. Les premières fumées de feu de bois, les nuages lourds, la pellicule glacée du petit matin. Lorsque d'un oeil encore somnolent, j'aperçois que tu as givré les feuilles qui ploient sur la margelle je ne peux m'empêcher; l'aube bleutée m'enlève. L'automne déploie ses attraits sous mon nez qui fraichit, dans ma tête qui s'ébroue avec lui.