Aux Îles, peu de choses nous séparent de la mer. Même que j'aime bien dire que l'eau salée nous coule dans le sang. Nos cheveux sont gonflés par le vent marin et notre peau moite dégage toujours le parfum de la dernière baignade. Autant cette proximité avec l'océan nous est cher, il faut réalistiquement s'en protéger. Car la mer est aussi belle que puissante : il suffit de vivre le temps des tempêtes en automne et en hiver. Ce sont les falaises et les dunes qui nous gardent au sec et les pieds à terre. Remparts dynamiques, elles se façonnent au gré des éléments et de nos intrusions.
L'ammophile, ou l'amoureuse du sable
Du bout des doigts, je caresse l'ammophile. J'ai toujours aimé l'entendre chuchoter dans le vent. Pas tout le monde ne connait son importance. Elle est pourtant l'équivalent du mortier qui retient les briques, fixant de ses racines interminables les tonnes de grain de sable formant, dans l'ensemble, la dune. Même que sa forme longue et coupante capture le sable en vol et le fait glisser jusqu'à sa base. C'est la raison pourquoi, encore et encore, on en plante dans les lieux sensibilisés par l'érosion. Informez-vous, une activité de plantation d'ammophile est peut-être prévue près de chez vous ! Je remarque un emballage de barre tendre coincé le long d'un plant.
Récolte résiduelle
Chaque jour ou presque, je descends sur la plage. Chaque fois, si je suis attentif, je trouve de nouveaux déchets échoués ou abandonnées. Je les collectionne et les trie. Des bouts de corde, de bouée en styromousse et de plastique dur de toutes les couleurs. Des applicateurs à tampon. Des jouets laissés derrières. J'espère qu'ils n'ont pas cognition et ne ressentent pas cet abandon comme dans les films Histoire de jouets.
Je trouve des cannettes en aluminium. Des bouteilles en plastique et en verre, parfois éclatées. Je garde les bouts de verre verts polis dans un pot maçon à part : ils brillent comme des émeraudes. Des cartouches de fusil et des restants de la pêche comme de jolis tags et cages à homard. Certains déchets racontent une histoire. Et puis il y a les déchets moins jolis, comme les innombrables pellicules plastiques, lingettes et emballages alimentaires. On peut encore deviner certaines marques, effacées et fantomatiques. Parlant de fantômes, je tente de ne pas penser aux déchets invisibles ou presque, aux microplastiques parsemés partout.
S'engager dans la cause
Je m'aperçois que de plus en plus de gens font comme moi, équipés d'un sac poubelle et penchés sur la plage. L'effort collectif me rassure. Les plages sont plus belles. Ensemble, on ne se laissera pas enterrer sous les déchets. Des études s'opèrent pour mieux comprendre et résoudre le problème. De nouvelles·aux allié.e.s se joignent constamment à notre cause. On changera les choses. On nettoiera et renforcera nos dunes et elles nous protégeront, encore et encore. Je me le répète comme un mantra, glissant l'ammophile et la corde de pèche comme des chapelets entre mes doigts.