Voyager de façon responsable et durable

À l'Amante du Golfe

Fleurs au bord de la route qui mène aux Buttes Pelées dans le secteur de la Pointe-Basse aux Îles de la Madeleine

Madeleine,

Presque trois mois déjà que je t'ai quittée pour le continent, non sans regret, tu le sais. Il n'y a pas un jour où le désir d'habiter tes espaces, d'exister sous tes cieux, ne me prend.

Depuis mon retour, j'erre dans la mouvance des jours, cherchant le son de ta voix dans l'écho du Golfe lointain. Mais je ne trouve que le timide clapotis du fleuve sur les rochers épars, que le frêle chant du ruisseau à mes pieds désertés. Je tends l'oreille aux murmures du vent, quand ils se lèvent sur le lac, je m'élance et déjà, ils s'éteignent en tombant comme nuit aux abords des forêts. Me reviennent tes repères sonores : ton souffle modulé par la courbure des dunes, tes bourrasques embrassant les caps vermillon, tes sifflements aux fenêtres quand s'annonce l'automne.

Mon regard entremêlé aux gris du ciel, je revois en filigrane les sternes et les fous de Bassan fendre la texture du jour. Le souvenir me rappelle aux eaux de tes aubes, à la clarté du levant et son aura bleutée, secret des cieux insulaires. De mes pensées émergent la grâce des hérons planant sur les lagunes, la brume qui s'élève sur leur passage. La lumière s'immisçant entre les églantiers naissants. Tour à tour apparaissent les fuchsias, les violets et les orangés, jusqu'à ce que le jour se dévoile dans toute sa splendeur, fresque vivante berçant mon ennui.

Il est vrai que le sol à fouler est bien vaste ici. Les effluves du sommet des montagnes parviennent par moments à me faire oublier tes parfums d'algues fraîches, aux balbutiements du printemps. Mais ne cessent de me hanter l'odeur de tes embruns lorsque s'agite la mer, l'ivresse qu'elle délivre et la fraîcheur des matins où le soleil t'éveille.

Anonyme je navigue dans les foules nacrées, deviens naufragée sur une terre aux mille visages sans noms. Je foule des routes bondées, étourdie par les carrefours et les sens uniques. Mes pas imaginent des chemins de traverse à travers les buildings. Quand je réussis à suspendre le temps, sous mes paupières-refuges je revisite tes chemins de sable bordés d'ammophiles, je dessine à nouveau ta cartographie sinueuse que je me plais à parcourir en rêverie. Je suis goéland marin survolant tes bleus profonds, les yeux pointés au zénith.

Et quand le soir s'avance à ma fenêtre, j'appelle les songes qui me ramèneront au bercement de tes bras, à la finesse de tes sables, la blondeur de tes foins, ton goût de sel. Je laisse venir à moi le mouvement des vagues, les envolées d'oiseaux au couchant, le souffle de l'est sur ma peau. Je chéris le moment où je te retrouverai, entière, abandonnée. M'apparaît alors la tendresse du crépuscule lorsqu'il emporte avec lui ses derniers éclats de rose, et je sombre dans le délice. Au creux du silence s'unissant à la nuit. Lovée dans l'antre de ta beauté, brodée d'étoiles jusqu'aux confins de l'océan.

Maintenant je le sais, Madeleine. Je reviendrai toujours à toi.

Par Brigitte Le Blanc

Brigitte est née et a vécu son enfance en Gaspésie, tout au bout d'une vallée. De la rivière à la mer, elle a suivi ses élans qui l'ont menée jusqu'aux Îles, où elle a élu domicile il y a plus de 20 ans. Amoureuse des mots et de la nature, elle trouve l'inspiration dans cette fresque vivante qui lui offre chaque jour ses mille et un visages.

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