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Éloge du 150

Éloge du 150

Le 150 se joue à quatre personnes avec les 32 cartes les plus hautes d'un jeu de cartes. Les joueuses et les joueurs font une prédiction sur le pointage qu'iels comptent obtenir selon les cartes qu'elles et ils possèdent et la personne qui fait la plus haute mise choisit laquelle des quatre suites sera l'atout pour la manche. À leur tour, chacun.e pose une carte au centre de la table : la plus forte l'emporte... sauf si elle est « coupée » par l'atout.

Le jeu de cartes, encore aujourd'hui, ne laisse pas sa place à table lors des soirées familiales madeliniennes. Il a longtemps été, pour moi et ma famille, une façon de nous divertir lors des tempêtes qui nous confinent à l'intérieur et des divers événements familiaux qui peuplent le temps des fêtes. Notre jeu de prédilection : le 150.

J'ai appris à jouer au 150 de mon père, qui lui, a appris de ses parents, et ainsi de suite. Ma grand-mère me disait la semaine dernière que lorsqu'elle était jeune, les « vieux » jouaient le soir alors que les enfants étaient couchés. Elle-même avait appris à jouer en regardant par la grille du plancher qui permettait à la chaleur du poêle à bois de se rendre aux chambres en haut celles et ceux qui, installés à la table, se disputaient une partie.

Mon père, quant à lui, se taillait une petite place entre deux joueur.euses habitué.es pour examiner les stratégies du jeu en espérant toujours avoir sa place dans les soirées hebdomadaires. Il me dit souvent que son moment préféré, c'était quand ma grand-mère se levait pour aller préparer le thé et les petites grignotines et qu'elle lui demandait de prendre sa place pendant ce temps. Ces dix ou quinze minutes de gloire étaient suffisantes pour le faire patienter calmement toute la soirée.

Ma soeur et moi avons appris par essai-erreur, car les grandes soirées familiales se faisant plus rares, nous avions toujours notre place à table. Pendant mes visites du temps des fêtes, il nous arrive de jouer à tous les jours avec nos grands-parents, qui sont souvent aussi enthousiastes que nous. Il faut le dire, cela nous permet également de passer plus de temps ensemble tout en nous amusant !

Le 150, pour moi, c'est donc plus qu'un jeu. C'est un art qui s'apprend par expérience, en jouant, puis en regardant celles et ceux qui s'y connaissent davantage. C'est le fil qui tisse les relations intergénérationnelles, entraînant à tout coup rires, surprises, complicité et amour. C'est une tradition essentielle lors de mes moments passés aux Îles.

Et c'est même... le sujet de légendes urbaines !

« Ça'arait d'l'air qu'y en a un qui s'a rendu à douze cents de boîte, pis qu'y aurait fini par gagner pareil, peux-tu crère ça ? »

En tout cas, qu'on y croie ou non, il ne fait aucun doute que le 150 comme le jeu de cartes en général est partie intégrante de l'imaginaire madelinot. Quoi de mieux qu'une « tite game de cartes » après souper ?

Par Alicia Vigneau

Alicia est une jeune madelinienne exilée dans la grande ville de Montréal pour y vivre pleinement sa passion : la littérature. Elle s'intéresse à la culture populaire madelinienne, au vocabulaire marin et à la poésie brute des petites choses du quotidien.

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